Page 193 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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symbole de la Justice : c’était une main gauche toute grande ouverte,
laquelle, étant moins alerte, moins souple et moins agissante que la
droite, n’en est que plus propre à caractériser la justice. Ce dernier
portait aussi du lait dans un petit vase d’or arrondi en forme de
mamelle, et il en faisait des libations. Un cinquième était chargé d’un
van d’or, rempli de petits rameaux du même métal. Enfin, un dernier
marchait présentant une amphore.
Bientôt s’avancent les dieux, les dieux, qui, pour se mouvoir, ne
dédaignent pas de marcher sur des pieds humains. O merveille !
D’abord paraît l’intermédiaire divin des relations du ciel avec les
enfers, à la face tour à tour sombre ou resplendissante. Il porte haut sa
tête, qui est celle d’un chien. De la main gauche il tient un caducée, et
la droite agite une palme verdoyante. Immédiatement après s’avance
une vache dresse sur ses pieds de derrière ; emblème de la déesse, mère
de toute fécondité. Elle était portée sur les épaules d’un des membres
du bienheureux collège, annonçant par sa démarche combien il était
fier d’un tel fardeau. Un autre portait la corbeille mystérieuse qui
dérobe aux yeux les secrets de la sublime religion. Un autre serrait
dans ses bras fortunés l’effigie vénérable de la toute puissante déesse :
effigie qui n’a rien de l’oiseau, ni du quadrupède domestique ou
sauvage, et ne ressemble pas davantage à l’homme ; mais vénérable
par son étrangeté même, et qui caractérise ingénieusement le
mysticisme profond et le secret inviolable dont s’entoure cette religion
auguste. L’or le plus brillant en compose la substance ; et quant à sa
forme, la voici : c’est une petite urne à base circulaire, dont le galbe
légèrement renflé développe à l’extérieur un de ces mythes propres
aux Égyptiens. Elle se termine par une courte encolure, dont la partie
supérieure s’allonge d’un côté en façon de long bec ou de rigole ; à
l’autre côté est attachée une anse très développée dans sa courbure, et
que forme un aspic, à la tête écailleuse, au cou gonflé et strié.
Enfin allait se réaliser la divine promesse, et ma destinée
s’accomplir. Je vis s’approcher le prêtre tenant mon salut dans ses
mains. Son costume était de tous points conforme à la description
prophétique. De la main droite il portait avec le sistre de la déesse une
couronne pour moi, couronne, certes, bien méritée ! car, après tant de
traverses, tant de périls surmontés, je pouvais me considérer comme
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