Page 18 - Histoire d'ANNIBAL par Cdt Eugène HALLIBERT 1870 - DZWEBDATA
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               Les Phéniciens colonisaient pour se créer des échelles, étendre leur commerce et
               prévenir  les  révolutions  à  l'intérieur1.  Les  instincts  d'expansion  de  cette  race
               aventureuse favorisaient beaucoup l'écoulement des trop-plein de population de
               la  côte  syrienne,  et  les  gouvernements  urbains  n'étaient  pas  toujours  dans  la
               nécessité d'ordonner la déportation des classes dangereuses. Souvent des bandes
               de  mécontents  se  formaient  en  parti,  et  le  parti,  de  son  propre  mouvement,
               émigrait  en  masse,  emportant  son  dieu-roi,  symbole  des  traditions  de  la  ville
               natale. C'est à une émigration de ce genre qu'est due la fondation de Carthage.

               L'origine des colonies phéniciennes se perd dans la nuit des temps, et l'on ne
               saurait, par exemple, assigner une date certaine à la fondation de Cadix, la plus
               ancienne  des  villes  de  notre  Europe  occidentale.  Il  est  vraisemblable  que  la
               vieille  Gadès  sortit  de  terre  de  1500  à  1100  ans  avant  l'ère  chrétienne.  La
               création  du  plus  grand  nombre  des  autres  colonies  doit  être  rapportée  à  la
               période d'apogée de la Phénicie, c'est-à-dire de l'an 1000 à 550.

               La prospérité coloniale fut portée au plus haut degré au XIe, au Xe et au IXe
               siècle avant Jésus-Christ.

               Les colonies fondées par l'Etat lui devaient le dixième de leurs revenus de toute
               nature. Celles qu'avaient créées les particuliers n'étaient tenues de payer aucune
               dîme, et demeuraient à peu près indépendantes de la métropole. Là les colons,
               organisés en république, formaient un am ou amat (peuple), gouverné par une
               assemblée issue de l'élection.

               Suivant  la  commune  impulsion  imprimée  aux  migrations  humaines,  la
               colonisation des Phéniciens marchait toujours dans le même sens, et se dirigeait
               invariablement de l'est à l'ouest. En dehors du golfe Persique, où il eut quelques
               comptoirs  (îles  Bahreïn),  ce  peuple  d'intrépides  explorateurs  n'assit
               d'établissements que sur les côtes de la Méditerranée et sur celles de l'Océan2.

               Mais  partout  les  effets  de  cette  puissance  colonisatrice  frappèrent  vivement
               l'imagination des peuples. L'histoire d'Hercule n'est qu'une épopée de prodigieux
               exploits, faits pour attester la grandeur du génie phénicien. Ce héros symbolique



               1 La guerre, les inondations, les tremblements de terre, la soif du gain, étaient
               les causes déterminantes de l'expatriation des Phéniciens.

               2 Sur la Méditerranée, les colonies phéniciennes étaient : Chypre, la Crète, les

               Sporades, les Cyclades, Rhodes, Thasos, les côtes occidentale et septentrionale
               de  l'Asie  Mineure,  ainsi  que  la  plupart  des  îles  de  l'Archipel  ;  ta  côte
               septentrionale  de  l'Afrique  (la  Sicile,  Soloès,  Motya,  Palerme,  Eryx,  étaient
               phéniciennes),  la  Sardaigne,  les  Baléares,  l'Espagne.  —  Strabon  compte  en
               Espagne  plus  de  deux  cents  villes  d'origine  phénicienne.  Les  Phéniciens  ne
               purent fonder de colonies en Egypte, mais ils avaient pour leur trafic tout un
               quartier  de  Memphis.  (Hérodote.)  Les  Etrusques  leur  interdirent  l'Italie.  Les
               Grecs  leur  disputèrent  vivement  l'Asie  Mineure  et  la  Sicile.  Ils  ont  laissé  des

               vestiges de leur passage sur les côtes méridionales de la Gaule.
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