Page 10 - Le Petit Fellagha par Med Kamel Yahiaoui
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               Curieusement, j’étais un des rares enfants indigènes admis

            dans le groupe des enfants européens.
               Nous  jouions  dans  la  cour  de  récréation  ensemble,  j’étais

            mal vu d’ailleurs par mes congénères indigènes qui voyaient

            en moi un traître en quelle sorte.
               Effectivement,  j’étais  le  seul  enfant  indigène  à  fréquenter

            les  camarades  européens,  probablement  par  mon  zèle  à
            vouloir leur ressembler.

               Il faut dire que pour être admis parmi ces écoliers Français
            et gagner leur amitié, notamment la tolérance de leurs parents

            afin  de  pouvoir  fréquenter  leur  progéniture,  il  fallait  faire

            montre de qualités méritoires.
               J'ai  réussi  avec  insistance  à  persuader  mes  parents  de

            troquer mon mode vestimentaire, chéchia et gandoura, contre
            culottes courtes et chemisette et je m’étais promis, pour faire

            bonne  figure  et  braver  les  clichés  d'infériorité,  d'être  sur  le

            podium des bons résultats scolaires.
               Dans la cour, au moment de la récréation du matin comme

            de celle de l'après-midi, on voyait toujours le même décor, une
            flopée  de  tabliers  de  couleur  bleue  pour  les  garçons  et  rose

            pour les filles.
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