Page 14 - Le Petit Fellagha par Med Kamel Yahiaoui
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Depuis ce jour mémorable, ma mère ne rata pas une
occasion d’aller voir sa bienfaitrice, soit pour l'aider à faire le
ménage (sauf à nettoyer la croix de Jésus) ou les courses au
marché.
Et gare à cette dernière, si elle tentait de lui donner de
l'argent en rétribution, ma mère le refusait systématiquement
en lui rappelant que c’est grâce à elle qu’elle est encore
vivante.
Ma mère réussit même à emmener sa bienfaitrice dans un
hammam fréquenté uniquement par des femmes arabes ; elle
était la seule femme européenne parmi les fatmas !
Cette prouesse devint une légende dans le village, et il y
avait de quoi.
Une de nos meilleures distractions, à Madeleine, Gabriel et
moi, c'est quand les deux mères se parlaient.
Ma mère baragouinait un peu de Français et la mère de
Madeleine et Gabriel parlait un peu d'arabe.
À les entendre dialoguer, nous ne pouvions retenir nos
éclats de rire en chœur.
Voilà donc pourquoi, j'avais un libre accès à cette immense
villa de mes camarades français qui n'avait rien de